OPINION. Le courant solaire est maintenant compétitif par rapport à celui produit par des carburants fossiles ou celui issu des réacteurs nucléaires, affirme Arvind Shah, professeur honoraire à l’EPFL et à l’Université de Neuchâtel, lauréat du Prix Becquerel, aussi appelé «Prix Nobel solaire».


L’électricité solaire peut être utilisée dans toutes les régions du monde, sous des formes très différentes: on l’utilise sur les toits des maisons individuelles, mais aussi dans les très grandes centrales solaires. De plus, la capacité de production peut être augmentée rapidement en rajoutant des panneaux supplémentaires. L’électricité solaire offre donc une solution sûre, abordable et durable pour générer du courant à grande échelle. L’électricité solaire photovoltaïque peut ainsi répondre à la demande croissante en électricité; elle peut également contribuer à atténuer de manière ambitieuse les changements climatiques.

Pendant toute la période 1990-2010, l’Europe était à la tête du développement de l’électricité solaire: meilleurs résultats en recherche, plus importants fabricants de panneaux solaires, plus vaste déploiement d’installations photovoltaïques. Cinq pays européens, l’Allemagne, la France, l’Italie, l’Espagne et la Bulgarie étaient les leaders mondiaux pour les installations solaires. En Suisse, le Conseil fédéral et l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) ont été très prudents dans la subvention de nouvelles installations photovoltaïques. Par contre, les organes suisses ont dès 1985 apporté un soutien massif aux projets de recherche énergétique dans les hautes écoles en Suisse. Cette stratégie suisse était pleinement justifiée pendant la période où le solaire était encore une option lointaine et chère. Elle n’est plus justifiée maintenant, au moment où le solaire commence à être compétitif.

Modeste nombre d’installations solaires

On constate en ce moment que la Suisse est incontestablement le leader européen en matière de recherche et l’un des pays européens avec le moins d’installations photovoltaïques.

Jusqu’en 2017, on pouvait espérer que les excellents résultats de recherche récoltés par les laboratoires suisses puissent trouver un champ d’application dans des industries suisses et européennes. Cependant, l’industrie photovoltaïque en Europe a récemment souffert de la forte concurrence de l’industrie chinoise: depuis 2010, le gouvernement chinois a massivement soutenu les industries solaires chinoises; il leur a accordé des crédits d’investissement sans intérêts; il leur a aussi fourni du courant électrique pour la production, à très bas prix. Tout au long des années 2010 à 2017, on a vu des fabricants solaires européens fermer leur production, car ils n’étaient plus capables de faire face à la concurrence chinoise. En 2018, le dernier grand fabricant européen de panneaux photovoltaïques, SolarWorld, a fait faillite. L’industrie européenne est maintenant menacée de disparaître complètement et tout le savoir-faire sera perdu si aucune mesure n’est prise.

En mai 2018, une trentaine d’entreprises et d’instituts allemands ont écrit une lettre ouverte au gouvernement fédéral allemand: ils demandent une véritable stratégie industrielle pour le secteur du photovoltaïque. En outre, ils exigent qu’on introduise des critères écologiques dans les appels d’offres pour les systèmes photovoltaïques – ces appels d’offres sont prévus par l’actuelle coalition gouvernementale en Allemagne. Finalement, ils demandent l’extension de la plateforme technologique photovoltaïque. Ils parlent d’un projet «d’Airbus solaire», donc d’une collaboration européenne pour la création d’une grande fabrique commune pour les modules solaires.

La Suisse énergétique doit se réveiller

En septembre 2018, lors du congrès européen photovoltaïque à Bruxelles, les lauréats du Prix Becquerel (souvent aussi appelé le «Prix Nobel solaire») ont lancé un appel similaire, en insistant davantage sur le rôle que la Commission européenne devrait jouer pour:

1. Introduire un label écologique pour les panneaux solaires (similaire au label Max Havelaar pour les produits alimentaires).

2. Formuler de façon précise le programme Horizon Europe (pour la période 2021-2027), en réservant une part adéquate du financement au photovoltaïque, et en identifiant des objectifs ciblés, orientés vers les problèmes de fabrication.

La Suisse aurait un rôle important à jouer là-dedans. Rappelons que la Suisse était de 1850 à 1950 le pionnier mondial dans l’introduction de l’énergie hydroélectrique. Ce rôle d’avant-garde a contribué au succès de l’industrie suisse. La Suisse a déjà aujourd’hui une part plus grande d’électricité renouvelable que ses voisins. Par ce fait, la Suisse sera l’emplacement idéal pour le projet «d’Airbus solaire».

Pour y arriver il est nécessaire:

1. Que les autorités cantonales et fédérales reconnaissent l’importance stratégique que l’énergie photovoltaïque va jouer dans un avenir à moyen terme (vers 2050).

2. Que le Conseil fédéral collabore avec les autres gouvernements européens pour le projet «d’Airbus solaire».

3. Que l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) joue un rôle proactif dans la création d’un label écologique pour les panneaux solaires.

La Suisse est déjà très appréciée dans le monde entier pour sa neutralité, pour l’excellence de ses efforts de coopération au développement, pour son rôle irremplaçable dans la Croix-Rouge internationale. Il est souhaitable que la Suisse se réveille pour jouer un rôle similaire dans les énergies de l’avenir.

Source internet : le Temps –  voir article